Titre : LE PROCÈS
Auteur : Franz KAFKA Editeur : Pocket 1983 Format : 10,5X18cm Nombre de pages : 284 pages Parution : 1983 1re publication : 1925 Prix : 4,60€ ISBN : 978.2.266.06893.8 |
Au risque de s’enfuir à toutes jambes, on n’entre point dans l’univers
de Kafka sans s’y préparer. Ce qui peut en être lu ici ou là, ce qu’en
dit Milan Kundera dans certains de ses ouvrages, constituent une sorte
de vestibule où le futur lecteur se met lentement en condition face à ce
qui l’attend. La lecture était donc prévue de longue date, longtemps
repoussée jusqu’à cet aboutissement.
Les premières lignes plantent un décor saisissant : « Quelqu’un avait dû calomnier Josepk K. car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin. La cuisinière de Mme Grubach, sa logeuse, qui lui… »
La singularité des faits situation pousse le lecteur, comme la victime,
à penser à l’erreur, voire à la plaisanterie, sauf qu’il reste encore
presque trois cents pages à ingurgiter et que le titre annoncerait
plutôt le contraire. Commence alors l’incroyable, l’absurde d’une
situation, un peu plus dégradée au fil des pages à mesure que
l’atmosphère s’appesantit à étouffer. L’administration judiciaire vit
dans les greniers, au bout d’escaliers étroits et irrespirables. Le
nodule anodin du début développe des adhérences malignes qui occupent
peu à peu l’ensemble du cerveau de l’accusé. « Le procès »
attendu, toujours retardé, finit par grignoter la totalité de
l’existence du prévenu qui ne se préoccupe plus de sa culpabilité, mais
de sauver sa peau.
Inutile de préciser que la lecture de Kafka ne laisse pas intact. Comme
K., l’on ne comprend pas, avec lui on étouffe, on se débat, et si l’on
continue c’est dans l’espoir enfin que le cauchemar cesse et que
l’erreur soit démasquée. Avec une remarquable habileté, l’auteur
tempère, atténue un moment avant d’appuyer un peu plus sur la tête du
noyé. Tous les acteurs de cette administration souterraine sont
irréprochables, font leur job, uniquement leur job, tirent parfois parti
de la situation.
Dans une telle atmosphère où l’homme est manipulé comme un pion sans la
moindre prise sur son destin, difficile de dire qu’on a pris du plaisir à
la lecture. Plutôt une sensation de soulagement même si Kafka ne situe
pas avec précision le lieu, ni l’époque, il n’est pas si difficile de
faire des liens avec le passé. Fuite un peu rapide, jeune homme.
Sorti de son contexte, voilà ici un roman universel, extrêmement moderne
et à peine exagéré, facilement adaptable. Il suffit juste d’y mettre de
la couleur et du mouvement, un peu d’informatique et chacun pourra de
lui-même, ici ou là, peut-être même à proximité, des situations
similaires où l’homme se débat contre des pouvoirs obscurs, juste pour
vivre, pressuré comme une éponge au profit d’on ne sait qui, sinon
d’intermédiaires, ou de sous-fifres, eux-mêmes dans la tourmente. Le
monde de Kafka est toujours bien vivant.
Les années passant, cette vie tournant à vide, même parée de
technologies, de modernité et de savoir-faire, tiendrait-elle à la
nature humaine. Vaste question sur laquelle je ne me risquerai point.
Quoi qu’il en soit, un siècle plus tard, « Le procès », si noir
et pesant soit-il, reste un ouvrage majeur qui interpelle et qui
pourrait être médité, une fois digéré, ne serait-ce que pour trouver sa
propre antidote, le détachement nécessaire à l’épanouissement de chacun.
Là, c’est une affaire personnelle.
La livraison de poche (Pocket 1983) qui servait de support à la lecture, était enrichie contenait une introduction intitulée « La preuve et l’adversité »,
une courte biographie, l’historique de l’ouvrage ainsi qu’une courte
note sur la traduction, textes préparatoires de Georges-Arthur
Goldschmit. Excellente initiative. Cela mérite d’être souligné.
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