samedi 29 septembre 2012

KAFKA - Le procès


Titre : LE PROCÈS
Auteur : Franz KAFKA
Editeur : Pocket 1983
Format : 10,5X18cm
Nombre de pages : 284 pages
Parution : 1983
1re publication : 1925 Prix : 4,60€
ISBN : 978.2.266.06893.8



Au risque de s’enfuir à toutes jambes, on n’entre point dans l’univers de Kafka sans s’y préparer. Ce qui peut en être lu ici ou là, ce qu’en dit Milan Kundera dans certains de ses ouvrages, constituent une sorte de vestibule où le futur lecteur se met lentement en condition face à ce qui l’attend. La lecture était donc prévue de longue date, longtemps repoussée jusqu’à cet aboutissement.
Les premières lignes plantent un décor saisissant : « Quelqu’un avait dû calomnier Josepk K. car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin. La cuisinière de Mme Grubach, sa logeuse, qui lui… » La singularité des faits situation pousse le lecteur, comme la victime, à penser à l’erreur, voire à la plaisanterie, sauf qu’il reste encore presque trois cents pages à ingurgiter et que le titre annoncerait plutôt le contraire. Commence alors l’incroyable, l’absurde d’une situation, un peu plus dégradée au fil des pages à mesure que l’atmosphère s’appesantit à étouffer. L’administration judiciaire vit dans les greniers, au bout d’escaliers étroits et irrespirables. Le nodule anodin du début développe des adhérences malignes qui occupent peu à peu l’ensemble du cerveau de l’accusé. « Le procès » attendu, toujours retardé, finit par grignoter la totalité de l’existence du prévenu qui ne se préoccupe plus de sa culpabilité, mais de sauver sa peau.
Inutile de préciser que la lecture de Kafka ne laisse pas intact. Comme K., l’on ne comprend pas, avec lui on étouffe, on se débat, et si l’on continue c’est dans l’espoir enfin que le cauchemar cesse et que l’erreur soit démasquée. Avec une remarquable habileté, l’auteur tempère, atténue un moment avant d’appuyer un peu plus sur la tête du noyé. Tous les acteurs de cette administration souterraine sont irréprochables, font leur job, uniquement leur job, tirent parfois parti de la situation.
Dans une telle atmosphère où l’homme est manipulé comme un pion sans la moindre prise sur son destin, difficile de dire qu’on a pris du plaisir à la lecture. Plutôt une sensation de soulagement même si Kafka ne situe pas avec précision le lieu, ni l’époque, il n’est pas si difficile de faire des liens avec le passé. Fuite un peu rapide, jeune homme.
Sorti de son contexte, voilà ici un roman universel, extrêmement moderne et à peine exagéré, facilement adaptable. Il suffit juste d’y mettre de la couleur et du mouvement, un peu d’informatique et chacun pourra de lui-même, ici ou là, peut-être même à proximité, des situations similaires où l’homme se débat contre des pouvoirs obscurs, juste pour vivre, pressuré comme une éponge au profit d’on ne sait qui, sinon d’intermédiaires, ou de sous-fifres, eux-mêmes dans la tourmente. Le monde de Kafka est toujours bien vivant.
Les années passant, cette vie tournant à vide, même parée de technologies, de modernité et de savoir-faire, tiendrait-elle à la nature humaine. Vaste question sur laquelle je ne me risquerai point. Quoi qu’il en soit, un siècle plus tard, « Le procès », si noir et pesant soit-il, reste un ouvrage majeur qui interpelle et qui pourrait être médité, une fois digéré, ne serait-ce que pour trouver sa propre antidote, le détachement nécessaire à l’épanouissement de chacun. Là, c’est une affaire personnelle. La livraison de poche (Pocket 1983) qui servait de support à la lecture, était enrichie contenait une introduction intitulée « La preuve et l’adversité », une courte biographie, l’historique de l’ouvrage ainsi qu’une courte note sur la traduction, textes préparatoires de Georges-Arthur Goldschmit. Excellente initiative. Cela mérite d’être souligné.

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