vendredi 7 septembre 2012

Philippe de la GENARDIÈRE - L'année de l'éclipse


Titre : L'ANNÉE DE L'ÉCLIPSE
Auteurs : Philippe de la GENARDIÈRE
Editeur : Sabine Wespieser
Format : 140X185 mm
Nombre de pages : 490 pages
Parution : 2008
Prix : 26,00F
ISBN : 978-2-84085-065-2





« IL NE COMPRENAIT PLUS LE MONDE, ne l’aimait plus. Ou plutôt, c’est ce qui le minait, il ne s’aimait plus.» Deux phrases pour planter le problème, quatre cent quatre-vingt-dix pages pour y répondre.
L’Éclipse philosophique est l’ouvrage que le philosophe Basile tente de mener à bout, L’année de l’éclipse concerne la partie la plus intime du même philosophe, abandonné par les « deux furies » que sont sa femme et sa fille. Á cinquante ans, l’homme se sent fini, un homme du passé. En pleine déprime, il n’enseigne plus et suit une psychothérapie en se rendant chaque semaine chez le docteur Floch. Philippe de la Genardière prend tout son temps, environ cent cinquante pages, pour exposer la lente dégringolade et le quotidien du patient. Basile vit retiré du monde, sans autre contact que son psychiatre et passe ses journées à déambuler sur son balcon du sixième, en pérorant devant le vide. Éclipse totale en cours donc. Temps suspendu, seuls quelques effluves émanant de la salle de bains ou de la chambre d’enfant surnagent encore de l’ « avant ».
Á l’exemple du solitaire déprimé, le lecteur doit supporter de la part de l’auteur une sorte de déambulation littéraire, se perdre dans de longues phrases, avaler quelques répétitions, retours en arrière, suivre les méandres incertains de la pensée pour se préparer, impatient, à la métamorphose.
Une métamorphose provoquée par la rencontre, dans l’atmosphère propice aux déclics qu’est la serre du Jardin des Plantes, d’une jeune beauté, Shadi, qui réveille le philosophe de sa dormance et « réenchante sa vie » dans un « éblouissement érotique ». Réveil du corps (en fanfare) et des activités en sommeil ( à petits pas), la pratique du piano d’abord, la remise en chantier de l’Éclipse philosophique, l’ouvrage de toute une vie, ensuite… dans une sorte de jouissance partagée dont on découvrira peu à peu, derrière une fausse superficialité, les raisons profondes tirées de l’histoire personnelle de nos deux protagonistes. Aventure condamnée d’avance quand l’un pourrait être le père de l’autre.
Derrière le philosophe et son délire, il y a l’écrivain et cette question du sens Quid de l'aventure humaine en ce troisième millénaire? qui surgit, repart, revient, ressassée parfois, explore quelques pistes sans aboutir à une solution qui tienne debout, si ce n’est la « croyance » à laquelle le philosophe ne veut pas croire. Au-delà des dérives du philosophe dans l’impasse, que veut nous dire l’écrivain ? Basile est un homme seul, coupé du reste de l’humanité, très – uniquement - penché sur son monde intérieur, et ce solitaire n’a pas trouvé le salut. Est-ce à dire que l’avenir de l’homme du troisième millénaire est collectif ? C’est un autre débat.
Est-il utile encore de préciser que l’ouvrage de Philippe de la Genardière est de haute volée et qu’il représente une masse de travail phénoménale, même si l’auteur a dû prendre du plaisir à l’écrire. Cette réflexion menée sur le sens de l’existence humaine nous concerne et chacun peut y trouver matière à y nourrir sa propre personnalité. Et ce n’est pas là la moindre des qualités. Si l’on ajoute la qualité de l’écriture, originale, articulée sur l’imparfait de l’indicatif - faut-il y voir un lien avec le sujet du livre ? – et la longueur de certaines phrases, chaotiques comme un sentier pierreux de montagne, chaotiques comme la pensée du philosophe, on ne peut être qu’admiratif.
Rendons aussi homme à l’éditrice – Sabine Wespieser – pour son courage littéraire, il est réconfortant qu’un livre comme celui-ci ait encore sa place dans le monde très sonnant et trébuchant de la littérature d’aujourd’hui. Saluons de même l’excellente présentation de l’ouvrage sur la quatrième de couverture, un très beau texte qui résume parfaitement le livre et donne vraiment envie de le lire. Ce fut ma porte d’entrée vers cet écrivain qui m’était totalement inconnu.

Pour compléter

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