Titre : GARE DU NORD
Auteur : Abdelkader DJEMAÏ Editeur : Seuil Format : 14X20,5cm Nombre de pages : 96 pages Parution : mai 2003 Prix : 11,00€ ISBN : |
Vieux immigrés des années 50, trois amis vivent aujourd’hui leur retraite dans le quartier de la Goutte-d’Or mais n’ont jamais visité la tour Eiffel. Ils n’aiment pas être traités de chibanis (vieux) car ils ont encore des rêves ou des projets, qui de trouver une nouvelle épouse ou de revoir le pays du côté de Tlencem. Le quotidien des trois retraités se décline entre le Foyer de l’Espérance où ils ont leur chambre, la Chope verte où ils étanchent leur soif permanente d’une bière et la gare du Nord proche où ils se trouvent bien dans cette « baleine pacifique ». « Protégés par ses murs », ils restent dans le « hall, immobiles, en confiance, goûtant le temps qui s’écoule paisiblement.»
Mais ce qui leur trotte par la tête est ailleurs, dans le souvenir de la vie difficile qu’ils ont menée, les petits soucis quotidiens, le plaisir d’un esquimau dégusté au Louxor, la rencontre avec l’Ange Blanc, les petits plats qui leur rappelle la pays qui leur manque tant. Leurs amis, Zaza la serveuse, Brahim le coiffeur, Med, l’écrivain public et Solange sa femme, Hadj Fofana, le marabout, sont tous de là-bas de l’autre côté de la Méditerranée. Quand c’est le rassemblement à la Chope Verte, il n’en manque pas un pour écouter les chants du pays. Certains oublient même les années et esquissent quelques pas de danse.
Cette vie discrète s’efface peu à peu dans la rénovation du quartier. Dans les « lambeaux de papier peint » des immeubles qu’on effondre, Med devine « les silhouettes, les ombres, la présence de ceux qui avaient vécu là ». Et il lui prend l’envie d’écrire un livre sur les chibanis de Barbès-la Goutte-d’Or. « Un livre simple et limpide où ils seraient comme chez eux. Un roman sans graisse et sans prétention, qui les accueillerait avec leurs forces et leurs fragilités, leurs tatouages ; leurs rides et leurs rêves », où il raconterait l’humiliation, les maladies, les larmes et la colère, les femmes et les gamins laissé de l’autre côté de la mer, où il aurait l’honnêteté de dire aussi « que tout n’était pas si sombre, qu’ils pouvaient, malgré l’injustice, manger à leur faim... »
Le livre en projet de Med, Abdelkader Djemaï l’a écrit, un ouvrage bref (96 pages) qui va à l’essentiel. Chaque détail de vie ainsi exposé parait à première vue aussi insignifiant que la touche de peinture d’un tableau. L’accumulation harmonieuse que l’auteur en a faite donne un texte lumineux comme les grands fenêtres rondes de la gare du Nord. Tout cela dans un langage d’abord facile au vocabulaire simple, le contraire aurait été mal venu. Nul doute que les chibanis ont apprécié ou apprécieront leur quotidien ainsi mis en valeur, devenu acceptable par la puissance de l’écriture.
Mais l’ouvrage va beaucoup plus loin et s’adresse à un large public à qui, par la magie d’une habile description, sans jamais la nommer, laisse à deviner au lecteur la fracture entre ces immigrés de longue date pourtant et le reste de la population. Le premier réflexe serait de les montrer du doigt : que font-ils pour s’insérer, élargir le cercle ? Et le pile devient face. Qu’ont-ils fait à Martinez, le patron du PMU, pour que ce dernier les méprise ? Pourquoi ont-ils abandonné la chéchia ou le turban ? Les faits et gestes des trois acolytes en suggèrent bien d’autres. Cette vie souterraine ne trouve sécurité que parmi les siens, à la Chope Verte, chez le coiffeur Brahim ou encore à la Gare du Nord : avec leurs millions de pas, les voyageurs sont un peu comme eux, des étrangers.
Un livre qui donne à voir pour comprendre. Et si l’on cherche une réponse, on pourra méditer sur l’attitude de Lucien Guyomar, le Breton de la chambre 7, emporté par une ambulance un jour de neige : les trois compère ont adopté son chat.
Mais ce qui leur trotte par la tête est ailleurs, dans le souvenir de la vie difficile qu’ils ont menée, les petits soucis quotidiens, le plaisir d’un esquimau dégusté au Louxor, la rencontre avec l’Ange Blanc, les petits plats qui leur rappelle la pays qui leur manque tant. Leurs amis, Zaza la serveuse, Brahim le coiffeur, Med, l’écrivain public et Solange sa femme, Hadj Fofana, le marabout, sont tous de là-bas de l’autre côté de la Méditerranée. Quand c’est le rassemblement à la Chope Verte, il n’en manque pas un pour écouter les chants du pays. Certains oublient même les années et esquissent quelques pas de danse.
Cette vie discrète s’efface peu à peu dans la rénovation du quartier. Dans les « lambeaux de papier peint » des immeubles qu’on effondre, Med devine « les silhouettes, les ombres, la présence de ceux qui avaient vécu là ». Et il lui prend l’envie d’écrire un livre sur les chibanis de Barbès-la Goutte-d’Or. « Un livre simple et limpide où ils seraient comme chez eux. Un roman sans graisse et sans prétention, qui les accueillerait avec leurs forces et leurs fragilités, leurs tatouages ; leurs rides et leurs rêves », où il raconterait l’humiliation, les maladies, les larmes et la colère, les femmes et les gamins laissé de l’autre côté de la mer, où il aurait l’honnêteté de dire aussi « que tout n’était pas si sombre, qu’ils pouvaient, malgré l’injustice, manger à leur faim... »
Le livre en projet de Med, Abdelkader Djemaï l’a écrit, un ouvrage bref (96 pages) qui va à l’essentiel. Chaque détail de vie ainsi exposé parait à première vue aussi insignifiant que la touche de peinture d’un tableau. L’accumulation harmonieuse que l’auteur en a faite donne un texte lumineux comme les grands fenêtres rondes de la gare du Nord. Tout cela dans un langage d’abord facile au vocabulaire simple, le contraire aurait été mal venu. Nul doute que les chibanis ont apprécié ou apprécieront leur quotidien ainsi mis en valeur, devenu acceptable par la puissance de l’écriture.
Mais l’ouvrage va beaucoup plus loin et s’adresse à un large public à qui, par la magie d’une habile description, sans jamais la nommer, laisse à deviner au lecteur la fracture entre ces immigrés de longue date pourtant et le reste de la population. Le premier réflexe serait de les montrer du doigt : que font-ils pour s’insérer, élargir le cercle ? Et le pile devient face. Qu’ont-ils fait à Martinez, le patron du PMU, pour que ce dernier les méprise ? Pourquoi ont-ils abandonné la chéchia ou le turban ? Les faits et gestes des trois acolytes en suggèrent bien d’autres. Cette vie souterraine ne trouve sécurité que parmi les siens, à la Chope Verte, chez le coiffeur Brahim ou encore à la Gare du Nord : avec leurs millions de pas, les voyageurs sont un peu comme eux, des étrangers.
Un livre qui donne à voir pour comprendre. Et si l’on cherche une réponse, on pourra méditer sur l’attitude de Lucien Guyomar, le Breton de la chambre 7, emporté par une ambulance un jour de neige : les trois compère ont adopté son chat.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire