mercredi 5 septembre 2012

Jean-Pascal DUBOST - Poète - Lecture publique


Ouvrages cités :

Ouvrages cités : Fondrie (Cheyne) 2002
Fatrassier (Tarabuste) - 2007
Intermédiaires irlandais (Apogée) 2010




Plante montée en graine, cheveu et barbe d’un jour, petites lunettes cerclées, tête droite et l’œil fixe, de noir vêtu, un col d’ecclésiastique et des gants de cycliste, le poète attend, figé, assis à sa table, pendant que les participants s’installent sur des gradins aussi inconfortables qu’une banquette de cirque. Sur la table qui constitue l’unique décor, un verre à pied rempli de vin rouge, deux ouvrages devant l’auteur et un long texte déroulé et retenu par un petit objet (une tête de mort, précisera l’auteur dans sa présentation).
Sur les gradins, un public hétéroclite constitué d’une bande de lycéens (en service commandé ?), des amis et des connaissances du poète et de l’organisation, une poignée d’individuels attirés par la semaine de la Francophonie et le Printemps des Poètes.
De la tribune, s’avance un homme, sans doute l’animateur de la soirée, qui s’excuse, sa connaissance de l’auteur est enfermée dans un ordinateur récalcitrant. Après l’énoncé de quelques généralités, piquées dans la fiche de séance, il laisse la parole à l’invité qui préambule à son tour, avertit les participants que le rythme de lecture rapide, en accélération progressive, pourrait dérouter.
Une lecture en trois temps. Pour débuter, des courts extraits du dernier ouvrage, Intermédiaires irlandais (Apogée 2010), les mots tirés d’une période de retrait, solitude alcoolisée et longues marches dans une Irlande retirée du monde. La lecture est rythmée, sans temps mort. Au fil de ces brefs passages, l’on en vient à mettre des images personnelles, des tranches de vie, des impressions, une certaine mise en phase avec le poète.
L’homme se lève, boit une gorgée de vin, s’approche du micro sur pied, pour évoquer à sa façon, en une dizaine de textes, ceux qui, à un moment donné, ont compté ou croisé son parcours de poésie. L’on est à peine surpris à l’évocation de Valérie Rouzeau ou d’Albane Gellé, car l’écriture de Jean-Pascal Dubost s’en approche avec ses phrases éclatées, mots mêlés ou collés, juxtaposés en une mosaïque qui parfois chante, à d’autres moments écorche et dont le sens profond demanderait plus qu’une lecture écoutée. Une poésie contemporaine qui a trouvé cette voie, cette forme et qui cherche quoi par là ? Dans la liste, surgit en décalage un certain Lamartine : pour ce dernier, l’artiste en scène ajoute un sous-titre "Détestation", un mince sourire aux lèvres. Pendant cette partie, comme pour la suivante, le lecteur lit debout, immobile, seuls les yeux décrochent parfois pour un regard en coin vers l’assemblée. Sur les banquettes, les fesses commencent à se plaindre de la dureté des planches.
Enfin, l’auteur décroche le long texte pendu à la tête de mort, quatre-vingt bons centimètres de feuilles A4 bout à bout pour une unique phrase dévidée à la vitesse d’un TGV, un texte inédit d’où sortent quelques collages, un pâté de mots dira un participant, dont on retient plus l’édifice que le sens.
Fin de la prestation. Car il s’agit d’une prestation. Aujourd’hui les mots ne suffisent pas, la poésie doit être spectacle pour qui veut en tirer quelques subsides, à plus forte raison s’il veut en vivre. Cette présentation fut propre, très au point, bien envoyée en moins de trois quarts d’heures. Au-delà de la forme et de la prouesse technique, n’oublions pas que la poésie est un langage de communication entre les hommes : une fois passées la surprise et la musique des mots, reste à savoir si le poème va plus loin et touche le lecteur au plus profond de lui-même. Néanmoins, on peut dire que l’invité a rempli sa mission. Applaudissements donc. Mérités.
Deuxième partie de la soirée : le débat. Là c’est une autre musique. L’animateur s’avance, début du dérapage. La grappe des étudiants commence à se disloquer par paquets de trois ou quatre : désintérêt pour le débat, pour le poète, fin du service commandé, limite de la capacité d’attention ? De leur bouche, on n’en saura rien. De celle de l’animateur, l’on apprend qu’une autre soirée les attend.
Les premières réactions du public sont négatives. L’on ne comprend pas le pourquoi d’une telle juxtaposition de mots sans qu’on y trouve de sens. Où est l’émotion ? D’autres prennent la défense de Lamartine pendant que d’autres ricanent en catimini. Très calme, même digne, le poète répond, s’explique, explique son amour des mots, de tous les mots qu’il aime tisser, coller et assembler. Il avoue un certain goût de la provocation, le souhait est de faire réagir l’auditeur. D’une certaine façon, c’est gagné. D’autres voix interviennent à leur tour pour dire que certains textes ont atteint leur but.
Un peu désemparé par la tournure du débat, l’animateur tend le micro à l’un de ses amis qui clame son admiration pour la patience du poète qui, après un tel effort, accepte encore de se justifier.
Le débat prend alors la tournure d’une lutte de clans, une querelle de chapelles, encore une. La poésie est-elle à un point de confidentialité où elle peut s’offrir des luttes intestines ? L’animateur du jour, dépassé, incapable de prendre à la fois la main et un peu de hauteur, n’a d’autre argument que de proposer qu’on en reste là et de se diriger vers le pot qui doit suivre. Les combattants du jour n’entendent plus et continuent de ferrailler.
Les ingrédients d’un riche débat sont là, il manque un vrai chef d’orchestre. Quand l’un des participants exaspéré commence à parler de vieux cons, il ne sert plus à rien de prolonger. En toute urgence, l’on passe au pot. Si la poésie du jour n’était pas au goût de tous, au moins le vin obtient la faveur de l’ensemble des participants.
Légèrement grisé par l’avalanche de mots plus que par l’alcool, l’on se retire, perplexe, en ce qui me concerne un exemplaire de Fatrassier (Tarabuste 2007) sous le bras. Un peu désabusé aussi. Une dizaine d’années plus tôt, dans les mêmes conditions, une autre lecture publique du même Jean-Pascal Dubost autour de son ouvrage Fondrie (Cheyne 2002) s’était déroulée tout autrement et le débat avait été d’une autre tenue, écoute et respect. Il faut préciser qu’il était mené par une certaine Cathie Barreau. Les temps changent.

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