Titre : DANS LES FORÊTS DE SIBÉRIE Auteurs : Sylvain TESSON Editeur : Gallimard Format : 14X20,5cm Nombre de pages : 268 pages Parution : 2011 Prix : 17,90F ISBN : 978-2-07-012925-6 Récompense: Prix Médicis Essai 2011 |
« Je m’étais promis avant mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois ». Sylvain Tesson l’a fait, au bord du lac Baïkal, pendant deux saisons, de février à juillet 2010. Il nous livre ici son journal, ouvrage récompensé par le Prix Médicis Essai 2011.
Quiconque a lu et apprécié Vassili Golovanov et son Éloge des voyages insensés ne pouvait que se réjouir de retrouver dans un nouvel ouvrage les grands espaces de Russie. Là s’arrête la comparaison : entre l’ermite du Baïkal et l’explorateur jusqu’au-boutiste de Kolgouev, l’île perdue de la mer de Barents, il y a une Sibérie. Hormis les conditions atmosphériques, les contraintes de l’explorateur, homme de mouvement luttant à mains nues contre le terrain et les éléments, n’ont rien à voir avec celles du solitaire tapi derrière la vitre de son isba, dont le premier ennemi est lui-même. Ce qui le guette : l’inaction, un miroir à deux faces qui peut aussi bien le conduire à l’ennui mortel comme à la plongée au plus profond de soi pour en faire un autre homme à la sortie.
Le texte de Sylvain Tesson laisse à penser qu’il n’a pas vraiment atteint dans le dépouillement le remue-ménage qui vous grandit. Le voulait-il vraiment d’ailleurs ? Ce n’est pas certain. Le contrat à durée déterminé (six mois) qu’il s’était fixé laissait miroiter à tout instant le retour vers les délices du monde civilisé. Et le bagage de départ n’avait point la légèreté de ce qu’on peut mettre sur un traîneau à chiens : outre le matériel de survie et les vivres pour six mois, de la vodka (à volonté), cigares et cigarillos, appareils électroniques et une bibliothèque comptant quand même soixante-sept ouvrages, ce qui nous place assez loin du dénuement du trappeur de base. Ermite, oui, mais en quatre étoiles. Pas si solitaire que ça puisqu’on vient de temps en temps en voisin partager une cuite et vice-versa.
Dans la douce chaleur de la cabane où rien ne semble manquer, les sensations s’atténuent et le voyage intérieur n’était pas garanti. Certes, Sylvain Tesson nous a livré un excellent travail de journaliste, à l’image de Florence Aubenas, la chômeuse du Quai de Ouistreham. Il relate, décrit, met en scène, donne à voir mais nous transmet rarement l’émotion qu’il faudrait pour que nous frissonnions avec lui à -22°C. À aucun moment, on atteint la dramatique du Golovanov épuisé nous délivrant avec moult détails les quatre étapes du « je n’en peux plus » quand, à bout de forces, « il n’y a plus de conscience, à moins que l’on tienne pour telle la pensée que crever sur-le-champ serait le comble de la béatitude ».
Le regard de l’ermite a été celui d’un observateur, froid à l’image des températures supportées, même quand il en était le sujet. « En ermitage, la dépense d’énergie physique est intense. (…) plus l’on se passe du service des machines et plus les muscles gonflent, le corps durcit, la peau se cartonne et le visage se cuirasse. L’énergie se redistribue. » L’auteur décortique, étaye son analyse de ses lectures, livre ses marques de vodka préférées, accomplit des exploits physiques, trente kilomètres en six heures sur les glaces du Baïkal (en deux lignes), se montre sans se livrer ce qui finit par laisser le lecteur indifférent, pas concerné. Le seul vrai couac de l’expérience sera un drame personnel, en aucune façon lié à sa condition d’ermite.
Sans remettre en cause le talent de Sylvain Tesson, qui est réel puisqu’il a décroché un prix convoité, il faut son expérience d’ermite et le rendu qu’il en tire paraissent en demi-teinte. On comprend un peu mieux pourquoi en lisant ces lignes : « j’apprends par le téléphone satellite, miraculeusement réactivé, que l’enfant de ma sœur est né. Ce soir, je boirai à sa santé et verserai un verre de vodka sur la terre … », lignes qui soulève cette question : le téléphone satellite et l’alcool étaient-ils les meilleurs confidents de l’ermite Tesson ?
Quiconque a lu et apprécié Vassili Golovanov et son Éloge des voyages insensés ne pouvait que se réjouir de retrouver dans un nouvel ouvrage les grands espaces de Russie. Là s’arrête la comparaison : entre l’ermite du Baïkal et l’explorateur jusqu’au-boutiste de Kolgouev, l’île perdue de la mer de Barents, il y a une Sibérie. Hormis les conditions atmosphériques, les contraintes de l’explorateur, homme de mouvement luttant à mains nues contre le terrain et les éléments, n’ont rien à voir avec celles du solitaire tapi derrière la vitre de son isba, dont le premier ennemi est lui-même. Ce qui le guette : l’inaction, un miroir à deux faces qui peut aussi bien le conduire à l’ennui mortel comme à la plongée au plus profond de soi pour en faire un autre homme à la sortie.
Le texte de Sylvain Tesson laisse à penser qu’il n’a pas vraiment atteint dans le dépouillement le remue-ménage qui vous grandit. Le voulait-il vraiment d’ailleurs ? Ce n’est pas certain. Le contrat à durée déterminé (six mois) qu’il s’était fixé laissait miroiter à tout instant le retour vers les délices du monde civilisé. Et le bagage de départ n’avait point la légèreté de ce qu’on peut mettre sur un traîneau à chiens : outre le matériel de survie et les vivres pour six mois, de la vodka (à volonté), cigares et cigarillos, appareils électroniques et une bibliothèque comptant quand même soixante-sept ouvrages, ce qui nous place assez loin du dénuement du trappeur de base. Ermite, oui, mais en quatre étoiles. Pas si solitaire que ça puisqu’on vient de temps en temps en voisin partager une cuite et vice-versa.
Dans la douce chaleur de la cabane où rien ne semble manquer, les sensations s’atténuent et le voyage intérieur n’était pas garanti. Certes, Sylvain Tesson nous a livré un excellent travail de journaliste, à l’image de Florence Aubenas, la chômeuse du Quai de Ouistreham. Il relate, décrit, met en scène, donne à voir mais nous transmet rarement l’émotion qu’il faudrait pour que nous frissonnions avec lui à -22°C. À aucun moment, on atteint la dramatique du Golovanov épuisé nous délivrant avec moult détails les quatre étapes du « je n’en peux plus » quand, à bout de forces, « il n’y a plus de conscience, à moins que l’on tienne pour telle la pensée que crever sur-le-champ serait le comble de la béatitude ».
Le regard de l’ermite a été celui d’un observateur, froid à l’image des températures supportées, même quand il en était le sujet. « En ermitage, la dépense d’énergie physique est intense. (…) plus l’on se passe du service des machines et plus les muscles gonflent, le corps durcit, la peau se cartonne et le visage se cuirasse. L’énergie se redistribue. » L’auteur décortique, étaye son analyse de ses lectures, livre ses marques de vodka préférées, accomplit des exploits physiques, trente kilomètres en six heures sur les glaces du Baïkal (en deux lignes), se montre sans se livrer ce qui finit par laisser le lecteur indifférent, pas concerné. Le seul vrai couac de l’expérience sera un drame personnel, en aucune façon lié à sa condition d’ermite.
Sans remettre en cause le talent de Sylvain Tesson, qui est réel puisqu’il a décroché un prix convoité, il faut son expérience d’ermite et le rendu qu’il en tire paraissent en demi-teinte. On comprend un peu mieux pourquoi en lisant ces lignes : « j’apprends par le téléphone satellite, miraculeusement réactivé, que l’enfant de ma sœur est né. Ce soir, je boirai à sa santé et verserai un verre de vodka sur la terre … », lignes qui soulève cette question : le téléphone satellite et l’alcool étaient-ils les meilleurs confidents de l’ermite Tesson ?
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