jeudi 20 décembre 2012

Anton Pavlovitch TCHEKHOV - La Mouette





Titre : LA MOUETTE
Auteur : Anton TCHEKHOV
Éditeur : Ebooks libres et gratuits (numérique)
Parution : 1896
Nombre de pages : 80 pages
Prix : gratuit (domaine public)






La Mouette version Garcia est annoncée sur une scène de la ville, occasion à saisir de voir Tchekhov sur les planches, puis de relire cette pièce vieille de plus d’un siècle.
Si les patronymes sont russes, le lieu, une villégiature à la campagne avec parc et étang, et les personnages, les protagonistes tournant habituellement autour de ces résidences aisées – propriétaire, famille proche, voisins, personnel de service, amants et soupirants – pourraient fort bien se trouver partout. Frédéric Bélier-Garcia a choisi un décor intemporel dont les éléments sur roulettes changeront de position suivant les actes : une scène champêtre, trois salles ouvertes, quelques chaises renversées, une banquette, auxquels s’ajouteront au moment venu un rideau de scène et un pan de mur tombés du ciel. Pas de choix d’époque donc, seuls les costumes nous ramènent au début du siècle passé.
Dans ce bocal délimité par l’éclairage se débattent des hommes et des femmes courant après leurs rêves, espérés ou perdus. Pour le propriétaire vieillissant c’est déjà trop tard, les autres s’agitent. La sœur du proprio s’accroche à sa renommée d’actrice quand l’auteur dont elle s’est entichée ne rêve que de calme et de parties de pêches. Le fils de l’actrice voudrait qu’on l’aime alors que son aimée ne rêve que de célébrité. Course poursuite des situations qui se font et se défont, certains s’y font, d’autres s’y défonceront. Chacun  se débat à son rang pour s’y élever, pour en sortir mais les ficelles sont tirées par d’autres. Qu’on s’y adapte ou non n’apporte pas le bonheur, ou tout du moins la paix. Les plus heureux du lot, le régisseur, le voisin médecin, ont trouvé la solution : comme la mouette, ils n’attendent rien, ils vivent le présent, ils tiennent les rênes ou recueillent les confidences.
Sur une même scène, Anton Tchekhov a déposé un concentré de société, un microcosme qui n’a pas pris une ride. Il suffit de changer costumes et décors et l’on retrouve au premier plan les mêmes soucis, beauté, argent, vieillesse, castes, classes, égos surdimensionnés, l’avidité, la manipulation… on en trouvera d’autres sans peine. Bien sûr, les modes modifieront légèrement la donne, la différence ne sera qu’une affaire de millésime.
En quatre-vingt pages, deux heures trente de spectacle si l’on préfère, Anton Tchekhov, merveilleux observateur de la vie, pose le problème de l'existence, esquisse un florilège de solutions en allant même jusqu’à apporter quelques éléments de sa réponse.
Et la mouette là-dedans ? Nina, la jeune amoureuse, l'évoque, « et moi, je me sens attirée vers le lac, comme si j’étais une mouette… Mon cœur est plein de vous ». Un oiseau symbole, tué par dépit un peu plus tard, « vous vous exprimez d’une manière bizarre, à l’aide de symboles. Cette mouette en est un, probablement, mais excusez-moi, je ne le comprends pas… », un cadavre de mouette inspiratrice, « elle aime ce lac comme une mouette, comme une mouette elle est heureuse et libre. Mais un homme arrive, par hasard, et, par désœuvrement, la fait périr, comme on fait périr cette mouette », enfin la mouette pseudonyme pour l’amoureuse éconduite, « elle signait : « La Mouette ». Dans l’Ondine, de Pouchkine, le meunier affirme qu’il est un corbeau, dans ses lettres elle disait qu’elle était une mouette. Et maintenant elle est ici. » Une mouette prémonitoire qui plane sur les personnages et les lieux, revient une quinzaine de fois dans le texte comme un exemple dont on ne tiendra pas compte, faisant du texte de Tchekhov une comédie amère, une comédie dramatique.
Et la représentation ? Ce fut une découverte pour un spectateur rougissant de ne rien connaître de ce chef d’œuvre. Un spectateur neuf, sans a priori, si ce n’était la crainte d’être déçu. Crainte vite balayée, et par le texte, et par la représentation de haute qualité. Seul infime souci qui ne tient pas au réalisateur, les patronymes russes à trois noms ne facilitaient pas la compréhension du texte. Un choix d’acteurs judicieux, une représentation de grande volée, une Nicole Garcia égale à elle-même, silhouette de star, robe virevoltante, voix chaude manquant un peu de portée. Mais broutilles tellement il fait bon de temps en temps revoir (ou simplement voir dans ne cas-là) un de ses classiques.

NB.Les illustrations de cet article ont été tirées du WEB. Merci à:
- Blog4you.fr pour la première
- Presse-Océan pour la deuxième

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