De sa formation de psychanalyste, Anna Enquist possède une solide expérience du fonctionnement de la pensée et de ses dérives. Cela fait de cette poétesse néerlandaise un excellent auteur de romans psychologiques. Son premier roman, Le chef d’œuvre, traduit en français en 1999, en était un (de chef d’œuvre) explorant « avec une exceptionnelle autorité les arcanes de la jalousie, de la démission, de la manipulation ou de la trahison » au sein d’une famille. Avec Les porteurs de glace, elle va plus loin encore en s’en prenant à la profession, le psychanalyste n’étant pas lui-même à l’abri des problèmes humains, si expert qu’il soit. Occasion aussi pour l’auteur spécialiste de régler quelques comptes avec d’autres arcanes, celles d’une profession en butte avec les chapelles, les satisfactions personnelles, au détriment parfois des vrais résultats. Tout cela enrobé, bien sûr, dans le chocolat d’un vécu au départ presque doucereux qui tente d’en atténuer les effets.
Rien d’extraordinaire dans l’existence du couple Desbrogé avec ses petites routines habituelles. Lui, Nico, psychanalyste chef de clinique dans la ville proche, se jette sur sa bicyclette dès qu’il dispose d’une minute. Elle, Lou, professeur de lycée, tente d’apprivoiser un carré de jardin rebelle sur un bout de dune, sur un sol qui « ne produisait quasiment rien » sans « des charretées de terreau » et « d'innombrables sacs de bouse de vache séchée ». Tout cela dans une ambiance très néerlandaise de pistes cyclables, de platitude, de canaux, d’oyats et de sable éolien. Les époux se croisent, « il est joli ton chemisier », et se décroisent « il lui massait les épaules. Elle se retourna vivement, le chassa en plaisantant ». Existence aussi plane que le terre de Hollande, se dirait-on, dont on ne tarde pas à entrevoir les fissures cachées qu’elle est parfois « tentée de tout raconter », « la troisième chambre», cette fille dont « nous n’avons plus de nouvelles depuis plus de six mois », une jeune fille farouche, « partie juste avant son bac. Mon mari ne veut pas parler d’elle. Nous faisons comme si elle n’existait pas, mais elle est bel et bien là ». Le décor est planté.
L’un et l’autre sont eux aussi plantés, et plantés profond, dans leur détresse. La fissure devient faille. Début des dérives. Lou croise un jeune cycliste jardinier et s’accroche à lui sous une mince lueur d’espoir. Lui se tue au travail, règle ses comptes avec la profession au mépris du qu’en dira-t-on et s’amourache. Anna Enquist tisse avec une habileté de spécialiste la dégringolade qui passe par l’entêtement, la colère, l’absence de décision, puis la fuite avant de livrer la clé de l’énigme.
Difficile pour une personne non familiarisée avec la psychanalyse de poser sur un tel ouvrage d’un regard de scientifique. On peut tenter cependant d’évoquer une impression qui n’engage que soi. En couchant le couple Desbrogé sur le livre divan, la psychanalyste Anna Enquist se livre par leur intermédiaire à une analyse d’une profession complexe. Le cas concret qu’elle nous propose rend la lecture très agréable et de nous montrer d’une façon habile, dans une langue à la portée de tous, les limites d’une science toujours un peu complexe, un peu aléatoire, quand elle s’intéresse au fonctionnement du cerveau humain. Simple opinion de lecteur, cela va de soi.
Rien d’extraordinaire dans l’existence du couple Desbrogé avec ses petites routines habituelles. Lui, Nico, psychanalyste chef de clinique dans la ville proche, se jette sur sa bicyclette dès qu’il dispose d’une minute. Elle, Lou, professeur de lycée, tente d’apprivoiser un carré de jardin rebelle sur un bout de dune, sur un sol qui « ne produisait quasiment rien » sans « des charretées de terreau » et « d'innombrables sacs de bouse de vache séchée ». Tout cela dans une ambiance très néerlandaise de pistes cyclables, de platitude, de canaux, d’oyats et de sable éolien. Les époux se croisent, « il est joli ton chemisier », et se décroisent « il lui massait les épaules. Elle se retourna vivement, le chassa en plaisantant ». Existence aussi plane que le terre de Hollande, se dirait-on, dont on ne tarde pas à entrevoir les fissures cachées qu’elle est parfois « tentée de tout raconter », « la troisième chambre», cette fille dont « nous n’avons plus de nouvelles depuis plus de six mois », une jeune fille farouche, « partie juste avant son bac. Mon mari ne veut pas parler d’elle. Nous faisons comme si elle n’existait pas, mais elle est bel et bien là ». Le décor est planté.
L’un et l’autre sont eux aussi plantés, et plantés profond, dans leur détresse. La fissure devient faille. Début des dérives. Lou croise un jeune cycliste jardinier et s’accroche à lui sous une mince lueur d’espoir. Lui se tue au travail, règle ses comptes avec la profession au mépris du qu’en dira-t-on et s’amourache. Anna Enquist tisse avec une habileté de spécialiste la dégringolade qui passe par l’entêtement, la colère, l’absence de décision, puis la fuite avant de livrer la clé de l’énigme.
Difficile pour une personne non familiarisée avec la psychanalyse de poser sur un tel ouvrage d’un regard de scientifique. On peut tenter cependant d’évoquer une impression qui n’engage que soi. En couchant le couple Desbrogé sur le livre divan, la psychanalyste Anna Enquist se livre par leur intermédiaire à une analyse d’une profession complexe. Le cas concret qu’elle nous propose rend la lecture très agréable et de nous montrer d’une façon habile, dans une langue à la portée de tous, les limites d’une science toujours un peu complexe, un peu aléatoire, quand elle s’intéresse au fonctionnement du cerveau humain. Simple opinion de lecteur, cela va de soi.